11. L’IMPORTANCE DES VILLES

Les ruelles d’Olympie commencent à s’animer, alors que dans le ciel planent quelques griffons, tels de gros pigeons citadins. À la différence près que ces pigeons-là ne roucoulent pas.

Les 83 élèves survivants en toge blanche se saluent, se retrouvent, se rassurent.

Nous avançons en longue file vers les Champs-Élysées pour recevoir notre prochain cours de divinité, mais la porte reste close. Une Heure arrive. Elle nous guide vers le quartier des dieux auxiliaires, au sud d’Olympie.

C’est un quartier de la ville que je connais mal. Les maisons sont construites de manière plus personnalisée. Avec moins de caractère que les palais des dieux mais plus d’originalité que les maisons des élèves. Il y a là des bâtisses aux formes classiques qui à première vue semblent des immeubles de bureaux. Après tout, gérer une aussi grande cité exige forcément du personnel.

L’Heure du moment nous entraîne vers une demeure de style corinthien qui ressemble à une villa antique en plus imposant. Des colonnades de marbre et des sculptures dorées en décorent les flancs. Sur les murs sont représentées en bas-reliefs des grandes villes modernes ou anciennes.

Nous franchissons le seuil et découvrons une salle de classe de couleur brique. Sur des étagères, des petites maquettes de cités s’alignent, de différentes époques et de différents lieux.

À droite une grande maquette semblable à celle d’un train électrique pour enfant reconstitue une plateforme, des collines et des rivières en miniature. À gauche, des colonnes surmontées de villes sous dôme de verre. Sur les murs, des plans de cités de toutes tailles, affichés en posters.

Nous entendons un raclement de pierre. Nous sortons pour voir un homme derrière un gros rocher rond qu’il pousse avec difficulté pour venir dans notre direction. Une petite femme ailée aux cheveux noirs et au visage osseux volette au-dessus de lui et le fouette.

À l’entrée de la salle, l’ancien roi de Corinthe déchu dépose son fardeau. L’Érinnye consent à le voir s’éloigner de son supplice momentanément. Il la remercie puis entre en traînant les pieds et monte sur l’estrade. Il s’assied, fourbu, essuie de sa toge en lambeaux la sueur qui coule de son front. Tout son corps est marbré de coups.

— Excusez-moi, lance-t-il dans notre direction, en reprenant son souffle.

Il y a un instant de flottement, durant lequel il nous observe tout en grimaçant. Puis son visage tourmenté parvient à sourire.

— Content de vous voir, grâce à vous, je vais me reposer un peu.

Une élève veut lui apporter un verre d’eau pris à un distributeur mais l’Érinnye la repousse. Notre nouveau professeur nous conseille de ne pas prendre ce genre d’initiative.

— Bien, je m’appelle Sisyphe et je suis votre nouvel instructeur en Aeden.

Selon le rituel il note son nom au tableau.

— Je ne suis pas un Maître dieu, mais un dieu auxiliaire, et avec moi vous travaillerez autour d’une notion essentielle au métier divin : la notion de cité.

Il siffle entre ses doigts. À nouveau nous entendons un bruit à l’extérieur. Atlas entre poussivement, portant sur ses épaules l’immense sphère de trois mètres de diamètre qui est notre monde de travail. Terre 18.

C’est dans cette boule de verre que se trouve la planète où vivent nos peuples. Terre 18. Même si elle n’est que le reflet en trois dimensions de la vraie planète flottant quelque part dans le cosmos, nous sommes tous émus de revoir « notre Terre » recouverte de ses océans, ses continents, ses forêts, ses montagnes, ses lacs, ses villes, ses petits humains grouillants qu’il nous tarde d’observer à la loupe de nos ankhs.

Le géant, ayant déposé son fardeau sur son support, se passe une main fraîche sur le front. Sisyphe le rejoint. Les héros s’étreignent, avec quelque chose de triste dans le regard. Tous deux ont probablement le sentiment d’être victimes d’une injustice, mais ils ont accepté leur rôle.

— Sois fort, mon garçon, profère le géant.

Un murmure parcourt la classe. Nous sommes heureux de retrouver la planète où s’entassent nos petits troupeaux de mortels. Et curieux de savoir ce qui leur est arrivé cette nuit alors qu’ils étaient livrés à eux-mêmes.

Sisyphe observe le géant qui repart en se tenant les reins, puis le dieu auxiliaire ouvre un tiroir de son bureau et sort un ankh. Il allume le projecteur au-dessus de notre planète et examine attentivement notre « œuvre ». Il monte sur un escabeau pour se placer à hauteur de l’équateur.

— La mayonnaise commence à prendre, déclare-t-il enfin. Cependant cela sent la divinité improvisée, les guerres à la va-vite, les religions à la va-comme-je-te-pousse.

Nous espérions plus d’enthousiasme.

— Très peu d’entre vous ont pris le temps d’élaborer une stratégie globale à long terme. Je ne distingue que des cultures issues de réactions de peur…

Un murmure parcourt l’assistance.

— Comment sortir de la peur ?

Il attend une réponse, puis se résout à la fournir lui-même.

— En se regroupant, en se protégeant, en concentrant vos forces. Certains parmi vous l’ont déjà fait, mais ces collectivités n’en sont qu’à leur début. Je vous parlerai donc en premier lieu d’un concept essentiel à la suite du jeu.

Il note au tableau entre guillemets : « La Cité. »

Résumé des épisodes précédents. Vous avez d’abord connu des hordes nomades, puis des hordes calfeutrées dans des cavernes, puis des hordes installées dans des regroupements de huttes, puis successivement des villages, des bourgades fortifiées de palissades, des hameaux entourés de murs d’enceinte. Maintenant, nous pouvons penser à construire de belles et grandes villes.

Un mot s’ajoute sur le tableau : « Civilisation ».

— « Civilisation » vient du latin Civis, la cité. On a considéré que l’homme était civilisé dès qu’il s’est mis à construire des cités. Par exemple, les Mongols n’en ayant pas construit, il n’existe pas de civilisation mongole à proprement parler. Nous en reparlerons tout à l’heure.

Sisyphe se rassied à son bureau et plisse le front.

— Commençons par observer chez tous vos peuples les villes déjà existantes, et tentons de distinguer lesquelles sont en plein essor, lesquelles stagnent ou déclinent.

Penchés sur Terre 18, un œil rivé à nos ankhs, nous examinons la surface de la planète à la recherche des agglomérations. La plus importante est sans conteste la capitale du royaume des hommes-scarabées de Clément Ader. Puis vient celle des hommes-baleines de Freddy Meyer. Deux magnifiques cités constellées de monuments et de jardins où les habitants sont à l’abri de la famine grâce à de grands silos de grains.

— Au début, vous l’avez sans doute remarqué, les villes qui se développaient étaient toutes situées en altitude, commente le professeur auxiliaire. Pourquoi ?

— Parce que l’air y est plus pur…, propose Simone Signoret.

— Parce que la hauteur offre une meilleure protection contre les assiégeants, dit Raoul qui a lui-même installé sa capitale haut perchée dans les montagnes.

Sisyphe hoche la tête.

— Certes, mais plus le temps passe, vous le voyez, plus ce choix de cité fortifiée haut perchée s’avère une impasse. Pourquoi ?

Henri Matisse, dieu des hommes-éléphants, lève la main.

— Il y fait froid.

— Les murailles une fois érigées, la ville ne peut plus grandir. Elle est arrêtée par les plans verticaux, comme les ravins, dit Haussmann.

Sisyphe approuve et braque son ankh sur une ville des hommes-loups de Mata Hari qui, pour faire face à un accroissement de sa population, a été contrainte de construire des habitations hors les murs, puis une seconde enceinte pour les protéger. La ville est bordée de pentes abruptes inconstructibles empêchant tout élargissement.

— Quoi d’autre ?

— En cas d’invasion, les paysans de la vallée se hâtent de se réfugier dans la cité fortifiée, abandonnant leurs champs qui, sans défense, sont aussitôt saccagés, dit Sarah Bernhardt.

— Continuez, cherchez encore…, nous encourage l’ancien roi de Corinthe.

— La nourriture et l’eau sont montées à dos d’hommes ou d’ânes jusqu’à la cité, la rendant dépendante du monde de la vallée, souligne Raoul dont la bourgade d’hommes-aigles est particulièrement inaccessible.

— Et… ?

— Intermédiaires et porteurs exigent de fortes sommes pour cet acheminement. Ce qui dans la vallée vaut 10 passe à 50 en prenant de l’altitude.

Marie Curie admet connaître ce genre de problèmes et songe à redescendre sa cité d’hommes-iguanes, cernée de précipices.

Donc nous voyons les limites des cités élevées… Alors, quelles sont selon vous les villes promises à un bel avenir ?

Celles qui sont situées dans les forêts, suggère Jean-Jacques Rousseau, dieu des hommes-dindons.

Sisyphe dodeline de la tête.

Le temps de la cueillette et de la chasse est révolu, rappelle le maître auxiliaire, la forêt gênera l’acheminement des denrées et empêchera de voir venir les attaques de loin.

Mais le bois pour les maisons n’est pas cher, se défend l’intéressé.

— Bientôt vous connaîtrez vos premiers grands incendies et vous renoncerez aux maisons en bois. Pour ce qui est des constructions, mieux vaut se situer près d’une carrière de pierre.

Nous continuons à chercher.

— Celles qui sont installées au milieu des plaines, propose Voltaire pour ne pas être en reste.

— Des hordes de cavaliers n’auront aucun mal à les surprendre. Vous avez d’ailleurs vu que la plupart des villes dans les plaines ont été facilement repérées et attaquées.

— Les cités en bord de mer, propose Edith Piaf.

— Il est évident qu’il est difficile d’encercler totalement une cité côtière mais elles n’en sont pas moins susceptibles d’être attaquées par des pirates. Leurs populations sont toujours à guetter l’horizon.

Je n’interviens pas, mais je me souviens d’une invasion venue des plaines et d’une mer comme seule échappée possible.

Bruno, dieu des hommes-faucons, affirme faire confiance aux cités en plein désert.

— Dans le désert, on voit venir de loin ses adversaires. Ils ne trouveront de surcroît rien pour se ravitailler ou se désaltérer durant un siège.

— Mais les assiégés eux-mêmes seront vite affamés, rétorque Sisyphe. Alors comment avoir une cité protégée, tranquille, et non coincée par une montagne, une mer ou un désert ?

Je lève la main.

— En construisant sa ville sur une île, dis-je.

— Non, l’île est isolée de tout, cela freine le commerce et risque d’entraîner une multiplicité de mariages consanguins. L’île est un univers trop fermé. Pourtant vous êtes dans la bonne direction. Non pas une île en pleine mer mais…

— … au milieu d’un fleuve, suggère Mata Hari.

L’ancien roi de Corinthe approuve.

— Exact. Une île sur un fleuve… En voici la preuve par Terre 1.

Il déploie une carte de la France de Terre 1, montre Paris, ville partie d’une île au milieu d’un fleuve, tout comme Lyon, Bordeaux, Toulouse…

— Ce sont des villes françaises car votre promotion est française, mais on pourrait citer aussi Londres, Amsterdam, New York, Beijing, Varsovie, Saint-Pétersbourg, Montréal… Pratiquement toutes les grandes villes modernes de Terre 1 sont apparues à l’origine sur l’île d’un fleuve. Trouvez-moi d’autres avantages aux cités construites au milieu des fleuves.

Je dessine sur la table la forme d’une île sur un fleuve. Je remarque alors une inscription qui me trouble. Ce doit être un élève d’une promotion précédente qui l’a gravée avec son ankh : « Sauvons Terre 1, c’est la seule planète où l’on trouve du chocolat. »

Je me reconcentre. Quel est l’intérêt de bâtir une cité sur l’île d’un fleuve ?

L’eau fait fonction de protection naturelle. Les chevaux ne peuvent la franchir. Aucune charge de fantassins n’est possible, dit Raoul pragmatique.

D’autres mains se lèvent.

Il est difficile d’assiéger une ville entourée d’eau.

On ne peut pas assoiffer la population.

L’eau étant vive on ne peut l’empoisonner.

Le fleuve facilite la fuite en cas de danger, rappelle Sarah Bernhardt.

Un autre élève complète :

— Les assiégeants doivent veiller à la contrôler hermétiquement en amont et en aval sinon il y aura toujours des bateaux pour passer, amener nourriture et renforts ou au pire sauver les chefs des assiégés.

Il n’y a pas que la guerre, remarque Sisyphe.

— On peut laver le linge, suggère Edith Piaf.

— Le fleuve favorise les transports de denrées pour le commerce, dit Rabelais. La ville sur le fleuve peut imposer des taxes aux bateaux marchands, un droit de péage.

Le professeur auxiliaire approuve.

— Elle peut envoyer des expéditions à la découverte de nouvelles zones productrices de matières premières, de régions de conquête ou d’échanges, complète Rousseau.

— Grâce au commerce fluvial et aux taxes, la ville s’enrichit et peut, en cas de besoin, enrôler des mercenaires ou acheter des alliances. C’est peut-être pour cela d’ailleurs que le symbole de Paris est le bateau du syndicat des bateliers fluviaux, rappelle Haussmann qui connaît l’histoire de la ville à la reconstruction de laquelle il a participé.

— N’étant pas limitée par des murailles, au fur et à mesure de son expansion, elle prendra possession de l’ensemble de ses rivages, souligne Eiffel qui lui aussi visualise la croissance de la capitale française dépassant progressivement ses berges pour occuper toute la cuvette du Bassin parisien.

Sisyphe réclame le silence. Il se rend dans une pièce adjacente et ramène des maquettes de villes posées sur de grands plateaux. Il les dispose sur son bureau et nous invite à observer. Chacune a son étiquette. Nous comprenons qu’il y a là en miniature les maquettes des principales métropoles de l’Antiquité de Terre 1 : Athènes, Corinthe, Sparte, Alexandrie, Persépolis, Antioche, Jérusalem, Thèbes, Babylone, Rome… Pour chacune, il nous demande de détailler les points forts et les points faibles, de vérifier si les rues sont assez larges, les places judicieusement situées.

— Le marché constitue partout le cœur de la cité, il doit donc être facilement accessible grâce à de larges avenues, nous lance-t-il comme première indication.

Il désigne ensuite une autre zone.

— Le marché est souvent relié par une large voie aux entrepôts, silos et réserves de nourriture qui eux doivent être placés à l’entrée de la ville pour que les grosses charrettes n’aient pas besoin d’entrer dans la cité et de gêner la circulation.

Sisyphe montre les centres névralgiques.

— Une ville peut être visualisée comme un grand organisme vivant qui prend la nourriture, la traite, l’absorbe, et… rejette ses excréments.

L’image fait sens. Il poursuit :

— La porte d’entrée de la cité est sa bouche, la place du marché son estomac, la décharge municipale son anus. L’évacuation ou le recyclage des ordures est un souci constant car si l’on ne s’en préoccupe pas, non seulement les rues dégagent vite des odeurs pestilentielles, mais elles deviennent des foyers de maladies propagées par les rats, les cafards et les mouches.

Sisyphe pointe ensuite une maquette de camp temporaire mongol.

Quand vos peuples étaient encore des hordes, ils vivaient au grand air et les déchets de la veille étaient oubliés en chemin. Mais lorsqu’on vit dans un milieu confiné, les ordures sont omniprésentes et la pourriture vous rappelle à l’ordre sitôt qu’on l’oublie.

Nous prenons des notes.

Il vous faudra aussi penser à des citernes à pluie qui seront le système d’hydratation, et à des rigoles ou des tout-à-l’égout qui seront les reins filtreurs.

Cet avertissement donné, notre professeur se penche sur les maquettes des cités antiques.

— Une ville est un système digestif mais c’est aussi un système nerveux. Le palais royal ou la mairie en sont le cerveau.

Il nous présente plusieurs modèles de palais ou de châteaux destinés aux chefs d’État.

— Alimenté par l’argent des impôts, c’est le poumon qui amène l’oxygène au cerveau, et c’est là que se décide ensuite sa redistribution.

Le roi de Corinthe nous présente plusieurs centres d’impôts de plusieurs styles et de plusieurs époques.

— L’oxygène-argent est amené aux muscles : les maçons, bâtisseurs de la cité, qui la font grandir ; les explorateurs, qui sont ses yeux sur les territoires alentour ; ses artisans, ses ouvriers qui font tourner les usines comme autant d’organes ; ses agriculteurs qui récoltent dans les champs.

Sisyphe déplace douloureusement son grand corps meurtri entre les travées :

— Il y a aussi la défense, sorte de système immunitaire qui protège la cité des agressions extérieures ou intérieures. C’est la police qui arrête les éléments malades ou dangereux pour le reste de l’organisme. Ils doivent être désactivés pour ne pas contaminer les autres. On les isole dans les prisons. Il vous faudra penser à en construire.

Il déambule et poursuit ses explications.

— Autre système de sécurité : les pompiers qui éteignent les incendies. Enfin les militaires qui protègent des invasions étrangères comme un organisme se prémunit contre les microbes extérieurs.

Sisyphe se dirige vers une étagère sur le côté et saisit des monuments miniatures.

— Le temple peut devenir le cœur. Il assure la cohésion du système émotionnel collectif.

Il nous montre des temples de toutes les époques et de toutes les nations, du tipi navajo aux cathédrales gothiques.

— L’école puis l’université correspondent à un système génital créant de nouveaux citoyens. Elles transmettent la mémoire, les valeurs, la culture.

Le roi de Corinthe place les petites maisons sur la maquette.

— Dans les villes, les humains communiquent davantage mais leur espace vital se rétrécit. Auparavant, il suffisait de camper à l’écart lorsque des voisins vous indisposaient. Ici, il faut se supporter les uns les autres… Voilà qu’apparaît un concept délicat : le voisin.

Des souvenirs de « voisins » de Terre 1 nous reviennent. Pour ma part j’ai en souvenir un conseil de copropriété de mon immeuble où j’avais découvert un condensé d’humanité particulièrement effrayant.

Le voisin est comme vous, presque comme vous, si ce n’est qu’il fait du bruit après 23 heures, qu’il laisse des mégots dans les parties communes, qu’il tire la chasse d’eau en pleine nuit, et qu’il prend par mégarde votre courrier. Le voisin fait des barbecues qui fument, le voisin fait l’amour d’une manière ridicule et bruyante, il sonne pour réclamer des tire-bouchons alors que vous êtes en train de travailler, il vous transmet sa grippe, vous parle de ses problèmes avec ses enfants, quand ce ne sont pas ces mêmes enfants qui viennent dessiner au feutre sur votre porte. En fait il vaut mieux ne pas côtoyer de trop près les autres êtres humains, sinon ils deviennent insupportables.

L’ancien roi de Corinthe se tait un instant et masse son flanc :

— Certains personnages ont détesté les villes. Gengis Khan était convaincu qu’elles étaient autant de prisons où l’enfermement était la cause de tous les problèmes : maladies, corruption, mesquinerie, jalousie, hypocrisie… Il n’avait pas complètement tort. Avec l’expérience des rats en cage, vous avez constaté que la férocité s’accroît en même temps que l’espace se rétrécit. Je ne veux pas dire pour autant que la vie au grand air est synonyme de bonté et de gentillesse…

Il contemple sa petite ville en maquette.

— … et Gengis Khan est loin d’avoir été un homme de paix, mais au moins, son peuple ignorait la pollution et voyageait.

— Vous voulez nous écœurer des villes ? interroge Sarah Bernhardt.

— Je veux vous inciter à concevoir des villes harmonieuses et efficaces. C’est là le thème de mon cours. Comme toute forme de progrès, une ville porte en soi autant de menaces que d’améliorations. Examinons ces maquettes de plus près. La plupart des villes anciennes ont été conçues en carré traversé par deux artères principales qui se croisent à angle droit en leur milieu, comme ici à Olympie. Sur les côtés quatre portes correspondent aux quatre points cardinaux. Sur Terre 1, Jérusalem, Héliopolis, Rome, Beijing et Angkor ont été pensées ainsi. La structure est simple mais elle fonctionne, vous pouvez donc vous en inspirer.

Il exhibe de nouveaux plans de cités. Puis il s’arrête et note au tableau « Guerres de masse ».

— Vos cités entraîneront de nouvelles formes de guerre. Des guerres de siège longues et techniques. Jadis, l’enjeu était de contrôler des territoires, aujourd’hui, il est de contrôler des villes fortifiées. Un siège exige du monde. Au stade du jeu où vous en êtes, on considère que chaque génération double le nombre de ses soldats pour s’assurer la victoire. Souvent, pour s’impressionner l’une l’autre, les armées s’étiraient sur une longue ligne horizontale.

Il s’assoit.

— Vous savez, dans les manuels d’histoire, on parle abondamment des grandes batailles, mais on omet de mentionner toutes celles qui n’ont jamais eu lieu parce qu’une des deux armées était parvenue à intimider l’autre par la seule exhibition du nombre de ses soldats, et qu’elle avait provoqué ainsi la reddition de son adversaire. N’oubliez jamais que l’intimidation permet d’économiser bien des vies.

Je regarde les autres élèves, tous notent les informations de Sisyphe. Les « guerres de masse »… Si je m’attendais un jour à apprendre une telle matière à l’école ! Ces gens réunis pour s’entretuer, cela m’a toujours paru si « dérisoire ». Une triste tradition humaine. Presque festive. On se tue au son des tambours et des trompettes. Parfois en chantant. Le plus souvent avec les beaux jours, au printemps. Et voilà que je me retrouve doté du pouvoir de générer mes propres guerres en entraînant mon peuple dans des mêlées meurtrières. Je crois que, même si je suis un bon joueur d’échecs, je ne prends aucun plaisir à la guerre.

Le roi de Corinthe poursuit : Les guerres ont un rôle social. Elles permettent d’évacuer les « surplus » de population. Tout comme les épidémies et les famines, les guerres civiles font office de nettoyage dans les populations pléthoriques… car c’est quand même cela le problème : les humains ne maîtrisent pas leur expansion démographique. Du coup se créent des bandes de jeunes voyous incontrôlées qui sèment l’insécurité. L’autorégulation des populations est donc nécessaire pour compenser les « excédents d’enfants ».

Il a dit cela avec tellement de détachement. « Compenser les excédents d’enfants ». Comme une usine qui doit détruire une partie de sa production pour ne pas surproduire.

— Ainsi, si l’on regarde l’histoire de Terre 1, poursuit-il, on voit qu’après des phases de grande natalité, la guerre arrive. Comme une cocotte-minute qui a besoin de relâcher la pression pour ne pas exploser.

— Mais alors, sera-t-on toujours obligés de faire la guerre pour « réguler » nos excédents de population ? demande Simone Signoret.

— La seule autre solution pourrait être l’autorégulation. Mais les quelques tentatives effectuées en ce sens ont abouti à des échecs. Comme si l’homme était tellement content de voir sa population grandir qu’il était incapable de se retenir. Même les dictatures les plus coercitives n’ont pu imposer un contrôle efficace des naissances.

Il lâche un soupir désabusé.

— Il y a aussi des pays qui souhaitent accroître leur population pour disposer de soldats en vue de leur prochaine guerre, signale Bruno. On sait que si on maîtrise sa population et que le voisin ne le fait pas, il risque de nous submerger par le nombre de ses enfants.

— Vous voyez. Encore les problèmes de voisinage…

Sisyphe se lève, trie des papiers, montre des plans de ruches, de termitières, de fourmilières.

— Pourtant, si l’on observe les animaux, notamment les animaux sociaux évolués comme les termites, les abeilles ou les fourmis, ils savent parfaitement s’autoréguler. Ils réduisent leur ponte en fonction des besoins et des réserves alimentaires… Mais le contrôle des naissances réclame un niveau de conscience que vos peuples de Terre 18 sont actuellement loin de posséder. Alors ils préféreront toujours la solution de la guerre.

Je lève la main.

— Et si tous les dieux, ensemble, nous nous asseyions autour d’une table et convenions d’arrêter les guerres ? Si nous nous définissions un territoire plus ou moins égal pour chacun et que nous maîtrisions nos naissances pour parvenir à un niveau de stabilité et d’harmonie dans ce territoire ? Dès lors notre énergie ne serait plus consacrée à nous agrandir ou à nous défendre des invasions, mais à gérer au mieux la vie quotidienne de nos populations.

Un silence suit ma proposition. Sisyphe m’encourage :

— Non, ce n’est pas stupide, continuez. Donc, si tout le monde se mettait autour d’une table et…

— … que nous convenions qu’à partir de maintenant il n’y aurait plus de rivalités, que nous ne gagnerions pas les uns contre les autres mais tous ensemble ?

Et pour la croissance démographique ? demande Sisyphe.

Eh bien nous établirions un système de contrôle des naissances, je l’ai déjà fait sur l’île de la Tranquillité. Nous avancions en fonction des besoins, en fonction de l’équilibre interne et externe.

L’ancien roi de Corinthe se gratte le menton.

Ce que vous oubliez c’est que l’homme est « naturellement » un animal en croissance démographique. Lui demander de se retenir d’engendrer des enfants c’est lui demander de renoncer à son besoin permanent d’expansion.

— Vous nous avez dit tout à l’heure que les insectes sociaux y avaient réussi.

Sisyphe hoche la tête.

— Mais au bout de combien de temps ? Des centaines de millions d’années. L’homme est un animal jeune. Quant à vos humains, ils sont carrément une espèce nouveau-née… Les humains vivent encore dans la peur et ils éprouvent encore du plaisir dans le meurtre. Ils sont incapables de comprendre que leur bonheur personnel dépend d’un équilibre avec la nature. Ils veulent toujours montrer qu’ils sont les plus forts. Ils ont donc besoin de compétition. Et dans la compétition il y a des gagnants et des perdants.

— Je ne crois pas au darwinisme, à la sélection des plus forts, dis-je avec conviction. Je crois que nous pourrions nous arrêter de nous entre-déchirer et rechercher ensemble un moyen de gagner à niveau égal.

— Encore faudrait-il que l’humain soit un animal homogène. Or les humains sont tous différents, physiquement et mentalement, ils ne partagent pas les mêmes valeurs, n’ont pas les mêmes talents. La nature n’est pas égalitaire. Les animaux sont différents et c’est de leur diversité que naît la richesse du monde. Les hommes eux aussi sont riches de leurs différences… Rappelez-vous le communisme qui a voulu instaurer une totale égalité de tous les citoyens. Résultat, une dictature encore plus féroce que le tsarisme… Quant à s’asseoir autour d’une table, cela a été tenté dans le passé. La SDN, Société des Nations, a été créée après la grande boucherie que fut la guerre de 14-18. Tous les gouvernements du monde disaient « plus jamais ça ». Ils ont même parlé d’un concept de « désarmement mondial ». Ils pensaient vraiment que l’on pourrait mettre en tas toutes les armes du monde et les brûler ou les enterrer. Vingt ans plus tard, on a eu la Seconde Guerre mondiale, avec encore plus d’armes destructrices et encore plus d’atrocités et de morts.

Une rumeur parcourt la salle.

— Ils ont échoué sur Terre 1 mais nous pouvons réussir sur Terre 18. N’est-ce pas pour cette raison que nous sommes là ? Pour faire mieux que nos prédécesseurs ?

Sisyphe s’approche de moi.

— Certes, mais encore faut-il être réaliste. Vous avez déjà vu des jeux Olympiques où tous les participants montent sur la première marche du podium ? Quel intérêt de participer à une compétition dans ce cas ? Quel plaisir y a-t-il à gagner… s’il n’y a pas de perdant ?

Je ne veux pas renoncer.

— Vous utilisez l’image des jeux Olympiques, alors je me servirai d’une autre image, celle des gladiateurs. Imaginons que lors d’un spectacle dans une arène romaine, les gladiateurs décident de ne pas se combattre.

Sisyphe ne se laisse pas désarçonner.

— … alors ils feront quoi vos gladiateurs ?

— Union et entraide.

— Et ils attaqueront les gardes romains… ?

— Parfaitement.

— Et ils se feront abattre tous autant qu’ils sont par l’armée de l’empereur. Vous savez, là aussi il existe un exemple fameux… Spartacus. Il est parvenu à instaurer une solidarité entre les gladiateurs. Je ne vous cache pas qu’ils ont très mal fini.

Je fixe le Maître auxiliaire.

— Bien, alors je m’adresserai à l’ensemble de la classe.

Je me tourne vers les élèves.

— Écoutez tous, le jeu divin d’Y a à peine démarré, nos peuples vont entrer dans la phase correspondant sur Terre 1 à l’Antiquité… mais je vous propose qu’ensemble… nous décidions de ne plus nous quereller. Je vous propose qu’on se répartisse les territoires en fonction des frontières actuelles. Ensuite, pour éviter les problèmes de surpopulation évoqués tout à l’heure, nous nous engagerons à maîtriser le nombre de nos enfants en fonction du nombre de morts. Que ceux qui sont d’accord avec moi lèvent la main.

Le rabbin Freddy Meyer lève la main, suivi par Sarah Bernhardt, Jean de La Fontaine, Simone Signoret, puis Rabelais. Je fixe Raoul qui détourne le regard. Il veut assurément l’emporter. D’autres mains se lèvent encore : Édith Piaf, Georges Méliès, Gustave Eiffel. Certains hésitent, lèvent la main ou la gardent baissée. Il doit bien y avoir un tiers des élèves prêts à me suivre. Puis le mouvement s’arrête.

— Réfléchissez ! Au final il n’en restera qu’un. Vous croyez donc chacun que ce sera vous ?

Sisyphe dodeline de la tête.

— C’est comme le loto. Les gens préfèrent jouer à un jeu où ils ont une chance sur cinq millions de gagner énormément que jouer à un jeu comme le black jack où ils ont plus de chances de gagner mais une somme réduite. Il n’y a rien de logique là-dedans. On est dans l’émotionnel. C’est leur espoir qui les empêche de réfléchir.

Comme pour le contredire, de nouvelles mains se dressent notamment celles de Marie Curie, Jean-Jacques Rousseau, Haussmann, Victor Hugo, Camille Claudel, Erik Satie.

Je monte sur la table et fais face à mes 83 compagnons de classe.

— Nous pouvons tout arrêter maintenant.

— Il a raison, dit Sisyphe, je pense que si vous êtes d’accord pour vous partager équitablement le monde, tous les dieux d’Olympie seront contraints de tenir compte de votre proposition. Je ne vous cache pas qu’il s’agirait d’une première. (Et il ajoute plus bas :) Je ne vous cache pas non plus que d’autres promotions avant vous y ont pensé… et ne sont pas parvenues à faire l’unanimité.

— Nous pouvons réussir, dis-je. Nous y sommes presque.

D’autres mains se lèvent encore.

— Là où tous ont échoué nous réussirons !

Mais la salle ne bouge plus. J’ai l’impression d’avoir pris le relais de Lucien, cet élève utopiste qui dès le premier cours voulait épargner Terre 17 et qui avait préféré renoncer qu’être complice d’un jeu où des civilisations allaient mourir.

— Allez, tous ensemble !

Ceux qui n’ont pas levé la main me regardent, hésitants.

— Il faut l’unanimité…, rappelle le roi de Corinthe. Si un seul élève dieu refuse d’abandonner le jeu, cela ne pourra pas être accepté.

Encore quelques mains, mais je n’ai même pas la moitié de la classe avec moi. Une autre main se lève, Mata Hari.

Raoul garde ses doigts sur ses genoux.

— Vous vous rendez compte de l’enjeu de ce vote ? dis-je.

Plus personne ne frémit. Je me sens las.

— Bien tenté, reconnaît Sisyphe, au moins vous aurez essayé, c’est méritoire.

Mes supporters baissent les bras. Je crois qu’aucun tic se faisait d’illusions.

— Ne prenez pas ça trop à cœur, conseille le Maître auxiliaire. Vous ne tenez pas compte que certains louent pour le plaisir de jouer.

Il doit avoir raison.

— Pour reprendre une métaphore : imaginez une partie de poker où tout le monde se mettrait d’accord pour regrouper les mises et les redistribuer en parts égales… Quel serait l’intérêt de jouer ?

Sisyphe se tourne vers la classe.

— Après tout, appréciez de participer au jeu le plus passionnant de l’univers. Mieux que les trains électriques, mieux que les cartes, mieux que le Monopoly et tous les jeux de virtualités informatiques, vous jouez à être des dieux avec des vrais mondes. Profitez-en.

Là-dessus il lance dans ma direction :

— Joue le jeu, Michael. Tu n’as de toute façon pas le choix et tu peux gagner. Vous m’entendez, vous pouvez tous gagner.

La cloche du beffroi de Chronos se met à sonner. Sisyphe suggère :

— Bien, le cours est terminé.

Il relit ses notes puis ajoute :

— Ah ! j’ai oublié quelque chose. L’écriture. À votre stade apparaîtront un peu partout des textes, des scribes, des histoires. Cela change beaucoup de choses…

Le Souffle des Dieux
titlepage.xhtml
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_047.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_048.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_049.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_050.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_051.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_052.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_053.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_054.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_055.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_056.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_057.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_058.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_059.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_060.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_061.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_062.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_063.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_064.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_065.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_066.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_067.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_068.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_069.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_070.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_071.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_072.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_073.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_074.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_075.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_076.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_077.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_078.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_079.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_080.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_081.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_082.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_083.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_084.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_085.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_086.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_087.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_088.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_089.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_090.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_091.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_092.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_093.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_094.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_095.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_096.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_097.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_098.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_099.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_100.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_101.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_102.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_103.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_104.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_105.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_106.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_107.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_108.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_109.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_110.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_111.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_112.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_113.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_114.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_115.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_116.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_117.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_118.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_119.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_120.html
Werber,Bernard-[Cycle des Dieux-2]Le Souffle des Dieux(2005).French.ebook.AlexandriZ_split_121.html